CANADA WITHOUT POVERTY

CANADA SANS PAUVRETÉ

Directeurs honoraires

Le très honorable Joe Clark, C.P., C.C., A.O.E.

L’honorable Louise Arbour, C.C., G.O.Q.

L'honorable Monique Bégin, C.P., O.C., MSRC

L’honorable Ed Broadbent, C.P., C.C.

Ovide Mercredi, O.M.

Conseil d’administration

Cindy Buott, Ontario

Vilma Dawson, Alberta

Debbie Frost, Saskatchewan

Rosa Jamal, Colombie-Britannique

Geraldine King (membre active)

Marc Laferrière (membre actif)

Ruth MacDonald, Terre‑Neuve-et-Labrador

Harriett McLachlan, Québec

Sharon Murphy, Nouvelle‑Écosse

Regena Russell, Île-du-Prince-Édouard

Reanna Sutton, Yukon

Catherine Wirt, Manitoba

Personnel et associés

Thomas Allgoewer - Associé en matière de développement

Dianne Denton - Associée en matière de politique sociale et économique

Kizzy Paris - Agente de programme

Rob Rainer - Directeur exécutif

Megan Yarema - Directrice, Éducation et sensibilisation 604-628-0525 (bureau de Vancouver) 


12 août 2011

M. James Rajotte, président

Comité permanent des finances de la Chambre des communes

131, rue Queen, sixième étage

Chambre des communes

Ottawa (Ontario)  K1A 0A6

Objet : Mémoire de consultation prébudgétaire 2012

Monsieur Rajotte,

Canada sans pauvreté tient à remercier les membres du Comité permanent des finances de la Chambre des communes pour cette occasion qui nous est présentée de contribuer à la consultation prébudgétaire 2012. Notre mémoire a trait aux façons dont les Canadiens, en s’engageant à l'échelle nationale à poursuivre un but commun, peuvent surmonter beaucoup de frustrations politiques que nous avons éprouvées au cours de la dernière décennie et atteindre des objectifs publics essentiels, comme la reprise économique et le rétablissement de l'équilibre budgétaire, en s'attaquant à la racine de la plus grande partie des maux de notre société – la pauvreté dans nos rues, dans nos foyers et dans nos collectivités d'un océan à l'autre.

Notre unique recommandation, en deux volets, pour atteindre ces objectifs, est que le gouvernement fédéral (1) fixe des cibles et des échéanciers de réduction et d’éradication de la pauvreté et, (2) analyse tous les mécanismes fiscaux, tant fédéraux qu’intergouvernementaux, disponibles pour nous aider à atteindre les cibles, et expose les options sur lesquelles le comité pourra se pencher et consulter.

À propos de Canada sans pauvreté

Canada sans pauvreté est un organisme de bienfaisance enregistrée, fondé en 1971 sous le nom d’Organisation nationale anti‑pauvreté. Notre nom exprime la fin que nous recherchons – un Canada où personne ne connaît ce que Ganhi appelait « la pire forme de violence ». Notre mission consiste à éradiquer la pauvreté au Canada, pour le bien commun – éradiquer signifie enlever jusqu’à la racine du problème et « pour le bien commun », parce qu’il n’y a personne au Canada qui échappe à l’impact considérable de la pauvreté.

Nous envisageons de réussir à éradiquer la pauvreté par le fruit de la collaboration entre les gouvernements, les entreprises et la société civile. En mettant en place des lois et des programmes pour assurer un revenu suffisant, l’emploi et les soutiens sociaux pour tout le monde. Le Canada aura construit une fondation sociale solide, donnant à chacun la possibilité de s’accomplir et de s’épanouir, d’exercer les responsabilités de la citoyenneté, de participer aux activités communautaires et de vivre avec un sentiment de dignité.

Canada sans pauvreté est dirigé par un Conseil d’administration dont chacun des membres a été touché de près par la pauvreté. Leurs vécus et ceux d’un grand nombre de nos membres et de nos partisans éclairent notre mission, notre vision, nos valeurs et notre travail. Nous sommes soutenus par des particuliers et des familles, des entreprises, des organisations syndicales, des organisations confessionnelles et des fondations. Nous ne dépendons pas du financement public et nous cherchons rarement à en obtenir. Nos cinq éminents directeurs honoraires nous conseillent en fonction de leurs connaissances approfondies du problème, de la politique publique, des institutions et des mécanismes gouvernementaux. 

La pauvreté et son impact

Quelques données devraient suffire à donner une idée de l'ampleur du problème de la pauvreté au Canada :

  • Banques alimentaires Canada rapporte qu'en mars 2010, 867 948 Canadiens ont fait appel aux banques alimentaires pour assurer leur sécurité alimentaire – le niveau le plus élevé de recours aux banques alimentaires de tous les temps.
  • Les données de Statistique Canada révèlent qu’un enfant sur cinq vivait dans un ménage à faible revenu en 2009 – 20 ans après la promesse du Parlement d’éliminer la pauvreté chez les enfants pour l’an 2000. De ces enfants, un sur trois vivant dans un ménage à faible revenu avait au moins un parent qui travaillait à temps plein toute l’année en vivant quand même dans la pauvreté.
  • Une équipe d’économistes, formée entre autres de Don Drummond, l’ancien économiste en chef de TD Canada Trust, a déterminé en 2008 que la pauvreté coûtait au Canada entre 72 et 86 milliards de dollars par année (environ 2 500 $ par ménage), en prenant en compte le système de santé, le système de justice pénale et l’incidence sur la productivité économique. Cela représente entre 5 et 6 % du produit intérieur brut (PIB) du Canada.
  • La Société Elizabeth Fry du Canada estime que quatre femmes sur cinq en prison sont incarcérées pour des crimes liés à la pauvreté. Le coût de garder une femme dans une prison fédérale s’élève à environ 334 000 $ par année.
  • Une étude de l’Université McMaster en 2010 a constaté un écart de 21 ans de l’espérance de vie entre les personnes qui vivent dans les quartiers les plus pauvres et celles qui vivent dans les quartiers les plus riches de Hamilton.

Mais assez parlé de chiffres. Le temps est venu de vraiment regarder ce problème et de se demander : Est‑ce le Canada?

En haut à gauche : les mains d’un vétéran canadien de la Seconde Guerre mondiale qui vit dans la pauvreté 

En haut à droite : une maison de Cross Lake First Nation

En bas à gauche : un sans abri à Toronto

En bas à droite: soutien alimentaire à l'enfance au St. Felix Centre, à Toronto

Les éléments déclencheurs de la pauvreté sont nombreux; en voici seulement quelques exemples :

  • Naître et grandir dans un milieu où la plupart des chances sont contre soi.
  • Avoir une maladie mentale en étant privé d’un milieu de soutien.
  • Faire face à la discrimination.
  • Être sans culture financière et découvrir que la succession qu’on croyait exister n’existe que sur papier et être plongé dans la destitution à la mort du conjoint.

Notre système de sécurité sociale, au mieux à moitié complet, s’est avéré insuffisant même pour certains anciens titulaires d’une charge publique, ceux qui, à la suite d’une défaite électorale – parlementaires de toutes les allégeances – n’ont pas eu d’autre choix  que de « nager ou couler ». Vous en connaissez probablement quelques‑uns personnellement.

Relier les points entre eux

Hypothèse :

La reprise économique et la prospérité du Canada, et la vigueur de ses finances publiques dépendent grandement de la santé et du bien‑être de sa population.

La pauvreté – le déterminant fondamental de la santé et un déterminant crucial de la criminalité – mine le bien‑être économique et financier du pays.

Les gens malades travaillent moins, meurent plus jeunes et puisent dans les ressources du système de santé.

Les gens désespérés se tournent parfois vers le crime, et rongent les ressources du système pénal.

Le succès de la promotion de la santé et de la réduction de la criminalité renforceront l’économie du Canada et amélioreront les finances publiques.

La réduction et l'éradication de la pauvreté sont une des clés de la réussite.

Sous-hypothèse :

La pauvreté, exacerbée par des facteurs comme la toxicomanie, la maladie mentale et la discrimination, en conjonction avec la proximité de ceux qui sont enclins à faire du mal à ceux qui sont victimes de la pauvreté, crée le terreau de la criminalité.

À gauche : une arrestation dans une affaire de

À droite : la fin d’une vie dans le Downtown

En 2008, le Regina Leader-Post a bien résumé comment les choses étaient dans sa région du pays, dans un article intitulé « Less poverty means less crime », moins de pauvreté veut dire moins de criminalité. Tout l’article portait sur le lien entre la pauvreté autochtone et la criminalité autochtone. Il est annexé au présent mémoire.

Et pas plus tard que le mois dernier, on apprenait qu’Edmonton est devenue la « capitale du meurtre » du Canada, l’analyse indiquant fortement que la pauvreté est un facteur causal. L’expert criminologue Bill Pitt a déclaré : « Quand on commence à examiner la violence domestique, l’accès à l'alcool, l’accès aux armes, la marginalisation, les gros problèmes de dette, le chômage et autres, nous avons un problème, et dire que nous n’avons pas de problème ne fait pas disparaître le problème. » [traduction] 

Le gouverneur général, dans le Discours du Trône de juin 2011, a dit ce qui suit : « En 2017, nous célébrerons le 150e anniversaire de la fédération, et j’invite tous les Canadiens et Canadiennes à imaginer des façons de bâtir un pays plus éclairé et plus bienveillant à l’approche de ce formidable jalon. Je crois que pour réaliser notre vision, nous devons travailler ensemble à aider les familles et les enfants... » et qu’il « n’y a pas de devoir plus fondamental pour le gouvernement du Canada que de garantir la sécurité de ses citoyens... »

Dans ce contexte, Canada sans pauvreté vous exhorte à réaliser qu'une stratégie efficace sur la prévention du crime doit englober un programme de réduction et d'éradication de la pauvreté, pour vraiment assurer le droit à la sécurité de la personne, à la protection contre la violence, le vol, etc. Cela signifie qu’il faut supporter la personne et son droit à l’alimentation, au logement, à l’éducation, etc. Tout cela fait partie du programme de réduction du crime.

Et c’est beaucoup moins coûteux que les autres solutions offertes. Par exemple, l’administrateur en chef de la santé publique a dit en 2008 « qu’un dollar investi dans la petite enfance (avant l’âge de six ans) épargne neuf dollars de dépenses futures pour la santé, le bien‑être et le système juridique. » [traduction] 

Recommandation

Comme nous l’avons indiqué au début, notre recommandation en deux volets (dans l’esprit de l’invitation du gouverneur général) est que le gouvernement fédéral (1) fixe des cibles et des échéanciers de réduction et d’éradication de la pauvreté, et (2) analyse tous les mécanismes fiscaux, tant fédéraux qu’intergouvernementaux, disponibles pour nous aider à atteindre les cibles, et expose les options sur lesquelles le comité pourra se pencher et consulter. Il n’est pas nécessaire que le gouvernement reprenne tout à zéro; les grands rapports sur la pauvreté et ses solutions, établis par les comités du Sénat et de la Chambre en 2009 et 2010, ont préparé le terrain pour passer à l’action. On peut commencer maintenant à fixer des cibles et des échéanciers. Les mécanismes fiscaux pourraient élargir notamment le système actuel de garanties de revenu de base du Canada, qui s’est avéré le meilleur outil pour réduire quelque peu la pauvreté, en particulier celle des aînés.

En tant que parlementaires, vous avez la chance de laisser un héritage magnifique. Il me revient à l’esprit quelques paroles de Rush, le célèbre groupe rock canadien : « Et les plus hauts placés doivent être les premiers donneurs. Plus près de la réalité, plus  » [adaptation française]

Je serais heureux d'avoir l'occasion de parler de ces questions devant le Comité. 

Cordialement,

Rob Rainer

Directeur exécutif

c.c. :    Membres du Comité permanent des finances

            Tous

            Tous

Moins de pauvreté signifie moins de criminalité (Regina Leader-Post, 25 août 2008)

La pauvreté a de graves répercussions sur la population autochtone du Canada. Nous sommes au dernier rang sur toutes les listes des indicateurs sociaux liés à la pauvreté. Nous avons le revenu le moins élevé, le taux de mortalité infantile le plus élevé et le taux de logement le moins bon.

Un 2006, un groupe de groupes de défense des droits a publié un rapport qui présentait des statistiques extraites des données de Statistique Canada. Le rapport indique qu’un enfant sur quatre dans les communautés des Premières Nations vit dans la pauvreté. Le rapport cite également ce qui suit :

  • Un enfant autochtone sur huit est handicapé, un taux deux fois plus élevé que celui de tous les enfants au Canada;
  • Chez les enfants des Premières Nations, 43 % ne reçoivent pas les soins dentaires de base;
  • Le taux de surpeuplement des familles des Premières Nations est deux fois plus élevé que celui de toutes les familles canadiennes;
  • La moisissure contamine presque la moitié de tous les logements des Premières Nations;
  • Presque la moitié des enfants autochtones de moins de 15 ans qui habitent dans les secteurs urbains vivent avec un parent célibataire;
  • Près de 100 communautés des Premières Nations doivent faire bouillir leur eau; et
  • De tous les enfants autochtones qui vivent à l’extérieur des réserves, 40 % vivent dans la pauvreté.

Un document de travail interne de la GRC souligne que la pauvreté autochtone est la racine de la plus grande partie du crime dans les communautés des Premières Nations.

« Si le statu quo des initiatives économiques et éducatives autochtones continue d’être appliqué, les bandes de rue et les activités violentes vont augmenter et la qualité de vie des populations autochtones déjà marginalisées va diminuer, » [traduction] écrivait‑on dans le document de travail, obtenu par La Presse canadienne au moyen d’une demande présentée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. « Les retombées de la pauvreté autochtone ne sont que trop évidentes et ne vont qu’empirer. » [traduction]

Le document de travail recommande que le Canada s’attaque à la pauvreté autochtone de la même façon que le Plan Marshall après la Sconde Guerre mondiale. Le plan Marshall a versé des millions de dollars en aide et en développement pour la reconstruction de l’Europe.

Le rapport recommande de dépenser des milliards de dollars pour l’éducation et la formation axée sur des compétences, que la GRC recrute plus de jeunes autochtones, et qu’on renverse la vague du désespoir qui a envahi tant de communautés autochtones. La pauvreté intergénérationnelle mène au désespoir et c'est là qu'est la racine d'une grande partie de la violence des gangs et du dysfonctionnement social des communautés autochtones d'aujourd'hui.

Ce rapport vient de la GRC, qui doit composer avec les retombées négatives de la pauvreté. Les gens de la GRC savent à quoi ils ont affaire. J’ai parlé au fil des ans avec des membres de la GRC qui m’ont exprimé leur frustration devant les conditions avec lesquelles ils doivent composer.

Un retraité de la GRC m’a parlé du temps qu'ils gaspillaient à arrêter des gens parce qu’is consommaient de l'alcool dans une réserve, alors que les blancs étaient libres de boire seulement quelques pas plus loin. Il m’a parlé de bons jeunes qui se tournaient vers la drogue et l'alcool, ruinant littéralement leurs vie. Il y a également des histoires de membres de la GRC qui sont instructeurs d’équipes de soccer, de balle ou de hockey dans les réserves. Certains jouaient dans les équipes masculines quand ils en avaient le temps.

Beaucoup d’autochtones qui font partie de la GRC peuvent vous parler d'une relation positive qu'ils ont eue avec un membre de la GRC qui a été un modèle. Un jeune autochtone membre de la GRC m'a dit dernièrement : « si ce gars‑là pouvait devenir un policier, je pouvais le faire aussi. » [traduction] Comme le souligne le rapport, les activités de gangs sont un résultat direct de la frustration des jeunes qui n'ont pas les compétences pour avancer dans la vie autrement que par le crime.

Les activités de gangs ont atteint une dimension de crise dans les villes et dans certaines communautés. La bande de Samson en Alberta a connu trois décès liés aux gangs au cours du dernier mois. Il est clair que les gangs sont hors de contrôle. Dans de tels cas, la GRC est tellement occupée à résoudre les meurtres que le travail policier de base et la participation communautaire deviennent un luxe.

Ce rapport est pour discussion interne et il va au‑delà du mandat d’organisme d’application de la loi de la GRC. Mais s’il y a un groupe qui vit et qui travaille parmi nous, les membres de la GRC sont ceux qui devraient être en mesure de voir les problèmes et qui ont le droit d’exprimer leurs préoccupations.

Sur les terres autochtones, le lien entre la pauvreté et l’activité criminelle est direct. Quand une communauté a accès au marché du travail, comme les mines du nord ou les activités de construction, les taux de recours aux prestations d’aide sociale diminuent en parallèle avec les statistiques de la criminalité. La GRC a fait une observation importante et tous les députés doivent en prendre connaissance et prendre les mesures qu'elle appelle.